Explication par Dr. Ramesh Chandra Mukhopadhyaya

Traduction française Dominique de Miscault

 Silence

43

Explication

Assis le poète jette des fleurs sur l'eau. Les hommes ont toujours vénéré les eaux. Pour prier, nous offrons des fleurs à la déesse de l'eau. En Inde, on respecte les étangs, les lacs, les rivières et l'océan. Pourquoi offrir des fleurs à une divinité ? Parce que les fleurs sont aussi le symbole du soleil ou de la lune. Elles sont douces sous le soleil, rayonnantes de lumière et de parfum. Ce n'est pas tout, une fleur est une mine de sagesse pour l'homme à la perception juste. Rappelons-nous du Bouddha qui tient une fleur au lieu de prononcer un sermon. Mahakashyapa[1] seul comprit le message et sourit au milieu de toute une foule de dévots qui ne pouvaient pas comprendre son silence. Le recueil Silence de Mai Văn Phấn est untriomphe de poésie. Bien qu'apparemment chaque poème soit tout simple et aussi beau qu'une fleur, peu, très peu, peuvent décoder leur fond à travers les ruptures des images. Silence appartient à l'école de l’imaginaire. Pour Elliot, la poésie est le transport des émotions personnelles dans un monde de l'art impersonnel. Ici, Mai Văn Phấn nous offre sa spiritualité dans un monde impersonnel. Chaque poème est donc aussi impersonnel et objectif que les objets naturels. Picasso prétendait que le Cubisme n'imitait plus la nature : Il créait de nouveaux objets introuvables dans la nature. Dominique De Miscault pourrait sans doute nous éclairer. Et peut-être Mai Văn Phấn à travers son recueil Silence a apporté des fleurs des hauteurs Empyrées ou des jardins japonais. Désolé pour la digression. Mais tout lecteur doit se concentrer sur chaque image de Mai Văn Phấn et méditer pour comprendre sa portée. Mai Văn Phấn est assis et jette des fleurs sur l'eau. Mais nous vous assurons qu'il ne laisse pas tomber de fleurs dans une rivière ou un étang, mais au contraire il les libère. Les eaux ici sont donc une mer ou un océan, quelque chose de bien plus grand encore. Mai Văn Phấn est l'un de ces poètes qui ressent et réalise que le monde intérieur ne correspond en rien au monde extérieur. Sans doute offre-t-il les fleurs de sa poésie à la vaste étendue des eaux qui sont l'un des cinq éléments - la terre, l'eau, le feu, l'air et l'éther ou les cinq cailloux qui constituent l'existence. Offrir des fleurs aux eaux extérieures, c’est offrir des fleurs aux eaux intérieures de son corps. Soixante-cinq pour cent du corps humain est composé d'eau. Quand nous prenons soin de notre corps, nous vénérons l'eau en nous. Chaque action dans notre existence est un culte. Mais ce n'est pas tout. La vaste surface d'eau claire pourrait être comparée à la conscience cosmique ou à l'esprit de Bouddha. Si le poète n’avait pas offert des fleurs à la mer ou à l’océan, il n'y aurait pas eu de carillon en lui. On pourrait donc soutenir que les fleurs des sens, les plaisirs ont été offerts par le poète à la conscience sans limites ou à l'esprit de Bouddha en lui. Les neurones dans le corps du poète dansent et chantent, sautent du plaisir de s’offrir au non-moi cosmique. Aucune langue ne peut décrire cette situation. Seul le verbe primordial s’exprime au fond du corps du poète. C'est un signifiant dont le signifié est infini : silence avant lui, langue d’avant lui. Le son de la cloche invite le poète dans le bleu profond de la béatitude et des bénédictions. Le poète dit : Dong !

Je coule

et émerge à nouveau

Il n'y a pas de meilleur poème décrivant la fusion de la conscience individuelle et de la conscience cosmique.

 Silence

43

(Translated from Vietnamese by Nhat-Lang Le & Susan Blanshard)

Explication

The poet sits down and drops flowers on water. Men have been used to worship waters since time immemorial. And while worshiping we offer flowers to the deity that presides over water. In India they worship ponds, lakes, rivers and the ocean as well. Why do they offer flowers to their favourite deity? Because may be flowers are the symbol of sun or moon upon earth. They are the tenderest things under the sun. They radiate light and fragrance. This is not all. A flower could be a mine of wisdom to the man with right perception. Think of Lord Buddha. He held a flower instead of giving a sermon. Mahakashyapa alone understood the message and smiled amidst a whole crowd of devotees who could not make sense of the silence. Mai Văn Phấn’s Silence is a triumph of poetic art. Although apparently each poem here is as simple and as beautiful as a flower, but few, very few, can decode the poem through the chinks of the imagery littered in the poems. In fact the poems of the Silence belong to the Imagist school of poetry. With Elliot poetry is the transporting of personal emotions into impersonal world of art. Here Mai Văn Phấn sends his personal spiritual realization into the impersonal world of art. So each poem is, as it were, as impersonal and objective as the objects of nature. Picasso claimed that his Cubist art would not imitate the objects of nature. It would create fresh things never found in nature and deck the existence. The French Savant Dominque Demiscault might throw light on the feelings of the present reader. And may be Mai Văn Phấn through his poems of Silence has imported flowers from the empyrean heights or the heaven and the rock gardens of Japan. Sorry for the digression. But any reader must fall upon each imagery in Mai Văn Phấn and meditate to get at its import. And to repeat Mai Văn Phấn sits down and drop flowers on water. But we assure you he does not drop flowers in any river or any pond because he releases them on a surface vast. So the waters here stand for a sea or an ocean and something greater than that. Mai Văn Phấn is one of those poets who feels and realizes that the world within and the world without do correspond to each other. And maybe he offers the flowers of his poetry to the vast expanse of the waters that are one of the five elements- earth, water, fire, air and ether or five pebbles that constitute the existence. Offering flowers to the waters without, correspond to offering flowers to the waters inside the human body. Sixty percent of human body consists of water. When we maintain our health we worship the water element in us. Every action in this existence is worship. But this is not all. The vast surface of clear water might be likened to the cosmic consciousness or the Buddha mind. If the poet had offered the flowers to a sea or an ocean without, there would be no bell ringing through the body. So it might be argued that the flowers of sense, pleasures have been offered by the poet to the boundless consciousness or the Buddha mind in him. And at once the neurons in the poet’s body and being dance and sing leaping  from the pleasure of offering the self to the cosmic non self. No language can describe the situation. Only the primordial logos rings through the poet’s body. It is a signifier whose signified is infinite. One is silent before it, one is tongue tied before it. And lo the ring of the bell flings the poet into the blue deep of beatitude and blessings. The poet says:

Dong!

I sink

Then emerge again.

Tĩnh lặng (43) của Mai Văn Phấn

Ramesh Chandra Mukhopadhyaya bình chú

Dominique de Miscault dịch sang tiếng Pháp

 Takya Đỗ dịch sang tiếng Việt

43

 Ts. Ramesh Chandra Mukhopadhyaya